ACP – souveraineté alimentaire, commerce équitable et lutte contre la malbouffe


janvier 6th, 2010 par Patricia

Derrière le terme technique et un peu rébarbatif d’ACP, ou « agriculture contractuelle de proximité », se cache un concept de solidarité citoyenne, de souveraineté alimentaire et d’équité commerciale.

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Déjà présents dans la Grèce antique et en Chine au Moyen-Age sous des formes variées et d’autres appellations, les ACP renaissent au milieu des années 60 au Japon sous l’impulsion de mères inquiètes de l’ingérence de produits chimiques toxiques dans l’alimentation :  les « teikei ».  Le principe est simple : assurer une distribution de produits fermiers frais et non traités directement du producteur au consommateur, sous forme d’une coopérative.

L’idée fait rapidement son chemin : on dénombre aujourd’hui des millions d’adhérents aux « teikei » au Japon. Très vite, la Suisse s’y met, suivie, entre autres, des USA, de la France, de l’Italie, de l’Angleterre, de l’Allemagne, des Pays-Bas, de l’Australie.

L’ACP ou Agriculture Contractuelle de Proximité a pour objectifs de donner une priorité à la production de proximité, de fixer des prix équitables liés aux coûts effectifs de production et transformation, d’établir un lien entre gens des villes et des campagnes, de permettre une traçabilité totale du produit, d’assurer par le biais d’un contrat entre consommateur et producteur la fixation des prix, de la quantité, du délai de livraison et la qualité du produit, et d’instaurer un climat de solidarité dans le cadre d’une économie indépendante de proximité. En d’autres termes, l’ACP permet de faire sauter les nombreuses couches liées au circuit « traditionnel » de distribution, limitant ainsi les surcoûts générés par les différents intermédiaires de la chaîne de distribution et favorisant l’échange direct à un prix équitable entre consommateur et producteur. Le concept veut également que l’on évite au maximum les transports. Les produits locaux, de saison, de préférence de culture biologique contrôlée et sans OGM sont privilégiés. L’idée, portée  notamment par l’organisation Via Campesina – mouvement international de paysans et petits et moyens producteurs – est de rétablir une souveraineté alimentaire au travers des ACP.

Comment ça fonctionne ?

Consommateur et producteur s’associent par un contrat qui définit le type de produits, la fréquence et la durée de livraison, le point de distribution, le prix et dans le cas de certaines coopératives, le nombre de journées de travail que le consommateur/coopérateur doit effectuer sur le domaine de production chaque année. La FAO a édité une brochure de près de 200 pages dédiée à l’agriculture contractuelle, où elle explique toutes les subtilités du concept. Le producteur peut dorénavant planifier et adapter sa production en fonction de la demande effective, et répondre à un besoin réel et non plus artificiel. Son revenu est assuré à un prix équitable. Il n’est plus soumis à la pression concurrentielle. Le consommateur, en retour, s’assure une qualité et une variété de produits,  et retrouve une biodiversité volontairement écartée par la grande distribution au profit de la « standardisation ».

En outre, le principe de proximité est essentiel : l’ACP a pour but d’éviter les transports et les trajets longs entre le producteur et le consommateur. Les coopératives et associations d’ACP s’assurent que les aliments sont issus de productions locales. Une ACP cohérente ne proposera donc pas des produits qui auront traversé tout le pays ou tout un canton. On privilégiera les productions régionales, soit dans le périmètre direct du lieu de distribution.

Quels sont les produits concernés ?

Principalement des produits de cultures maraîchères : fruits et légumes de saison, de production locale, souvent biologiques. Certaines ACP proposent des produits finis tels que jus de fruits, farines, miel, confitures. Pour les produits laitiers et la viande, la difficulté réside dans la conservation : assurer une distribution équivaut à mettre en place une chaîne du froid, donc des transports et lieux d’entreposage coûteux en énergie et en investissement. Quelques producteurs proposent une vente à la ferme de viande bio. De nombreux agriculteurs proposent également des ventes à la ferme de leurs produits, des laitages à la viande en passant par leurs fruits et légumes.

Bio ? pas bio ? biodynamie ? permaculture ? quelle est la différence ?

La tendance générale des producteurs associés aux ACP est de produire selon des critères bio. Ceci ne constitue cependant pas une condition sine qua none pour faire partie d’une ACP. Tout dépend de la demande des consommateurs et adhérents à l’ACP. La culture biologique assure des produits sans adjuvants chimiques ou pesticides et sans OGM, ainsi qu’une grande biodiversité en proposant des variétés « anciennes » de légumes et fruits, volontairement oubliés par l’agro-industrie, car moins productifs et rentables. Certaines ACP poussent la réflexion jusqu’à proposer des produits issus de l’agriculture  « bio-dynamique » : basée sur les mêmes critères que l’agriculture biologique, la bio-dynamie  repose  sur l’usage  de produits auxiliaires et de préparations à base de plantes destinées au compost, au sol et aux cultures. La bio-dynamie tient en outre compte du calendrier stellaire dans la planification des divers traitements. La « permaculture », concept né fin des années 1970 , prend exemple sur les écosystèmes naturels , réfute les méthodes agro-industrielles génératrices de destruction massive des sols, et reconnaît la Terre comme source de vie et non comme une ressource exploitable à souhait.

Le concept m’intéresse. Comment trouver ou créer une ACP ?

Une vingtaine d’initiatives actives sont répertoriées officiellement en Terre romande. Renseignez-vous auprès de votre commune pour d’éventuels marchés à la ferme proches de chez vous.Les sites internet de BIO SUISSE, BIO VAUD, Association Romande de Biodynamie, Fédération Demeter Suisse & Association pour la Biodynamie, vous donnent tous les renseignements sur les ACP existantes dans votre région, ainsi que des détails sur le mode de culture et le fonctionnement de la vente directe. La FRACP et le syndicat agricole UNITERRE proposent également quelques pistes pour la création d’une ACP. Plus simplement, rien ne vous empêche de contacter quelques maraîchers et agriculteurs de votre région, de rassembler amis, famille, connaissances intéressés par le concept, et de monter votre propre association. Et pour le cadre légal, vous adresser auprès des associations précédemment indiquées, aux communes concernées, au Service de l’Agriculture de votre canton, et vous renseigner sur les directives fédérales en consultant le site de l’OFAG (Office Fédéral de l’Agriculture).

Quelle alternative aux ACP ?

Un site internet suisse de vente de produits de la ferme a vu le jour en 2008 : www.marchedurable.ch. L’internaute peut « faire son marché » depuis son PC : en s’inscrivant comme membre sur le site, il sera livré en fruits et légumes de son choix dans les trois jours de la date de sa commande, qu’il devra toutefois passer avant le dimanche soir. L’avantage de ce concept est que le consommateur peut choisir le type de produits, n’est pas obligé de souscrire à un contrat annuel, et ne doit pas s’engager à des journées de travail coopératif. Le hic est que le producteur ne peut pas faire de réelle planification de production, il n’a donc pas de garantie de revenu stable. Il fonctionne plus par liens créés avec  un ou plusieurs groupes de consommateurs le long de l’année. Le concept n’englobe pas nécessairement le critère de production biologique, mais répond bien entendu aux normes de qualité de production agricole helvétique.


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